La lunga intervista rilasciata dal Ministro della Difesa Maurer al quotidiano ginevrino
Avion de chasse (vendredi 28 septembre 2012)
«Il n’y aura pas une seule vis d’occasion sur le Gripen»
Yves Petignat
Face aux critiques des partis de droite, le ministre de la Défense monte au front
Les pilotes suisses devront-ils voler dans de vielles caisses, faudra-t-il se satisfaire d’avions d’occasion? Les critiques émises dans la presse ces derniers jours sur les conditions d’acquisition du Gripen de Saab comme futur avion de combat ont à ce point inquiété les présidents des partis de droite que ceux-ci, à l’exception de l’UDC, viennent d’écrire à la présidente de la Confédération pour lever les doutes sur les risques financiers et techniques, alors que le peuple devra vraisemblablement voter l’an prochain. Le ministre de la Défense, Ueli Maurer, monte au front pour défendre son projet.
Le Temps: A en croire certains médias alémaniques, l’avion de combat que s’apprête à acquérir la Suisse, le Gripen E, serait une réutilisation d’anciens modèles. On parle même de «vieilles caisses» ou de reprise de pièces d’occasion.
Ueli Maurer: C’est absolument faux. C’est un avion totalement différent et nouveau. Je peux vous assurer qu’il n’y aura pas une seule vis d’occasion. Naturellement, sur le plan technique, c’est un appareil qui est en train d’être développé sur la base des séries précédentes, A et C. Le malentendu vient de là, de la confusion avec le développement technologique à partir d’un modèle existant. C’est exactement la même chose avec les voitures. Lorsque vous achetez le dernier modèle d’une marque, c’est effectivement une production entièrement nouvelle, mais avec des éléments que l’on retrouve aussi sur des modèles plus anciens.
Quels sont les éléments entièrement nouveaux?
Il comprendra entre autre un nouvel équipement avec un turboréacteur plus puissant, une capacité de stockage du kérosène plus importante, un renforcement du train d’atterrissage, deux points supplémentaires pour l’emport d’armement, une nouvelle antenne radar, un nouveau système de guerre électronique, ainsi qu’un nouveau missile électromagnétique METEOR.
Contrairement à ce que l’on avait cru, l’avion ne sera pas monté en Suisse. C’est une déception?
Le montage en Suisse n’a jamais été qu’une des options envisagées. Nous n’en avons jamais fait une condition. Construire une halle et une chaîne de montage pour 22 avions seulement, c’est beaucoup trop cher. Comme je l’ai déjà annoncé cet été lors de la conférence de presse à Thoune, nous enverrons quelques-uns de nos spécialistes pour participer au montage. De plus un pilote d’essai et un ingénieur aéronautique d’armasuisse seront intégrés dans l’équipe de vols d’essais de Saab. Ainsi nous profiterons malgré tout du savoir-faire et de la technologie du constructeur. C’est compris dans le coût global. Nos spécialistes travailleront simplement en Suède au lieu d’être en Suisse.
Selon certaines informations, le coût de l’heure de vol aurait explosé, il serait passé de 10’000 francs à 24’000 fr.
Ce montant de 24’000 francs ne vient pas du DDPS. Nous n’avons jamais articulé de chiffre pour le coût de l’heure de vol. Il faut en effet savoir ce que l’on met exactement dans ces montants: uniquement le coût du carburant et des consommables, ou également le salaire du pilote, du personnel au sol, les investissements dans les installations de l’aérodrome ou même les futurs développements technologiques. Chacun met des éléments différents. Mais quelque soit le type d’avion, le salaire du pilote ou certaines infrastructures sont des coûts fixes.
Il n’en reste pas moins que si Saab ne devait vendre qu’une centaine d’avions, le coût des adaptations techniques futures, des nouveaux systèmes d’armes ou programmes informatiques ne sera réparti qu’entre très peu de clients. Contre plusieurs dizaines dans le cas d’Eurofighter. Donc la part suisse risque d’être très élevée. Or ces adaptations peuvent coûter plusieurs dizaines de millions de francs.
Moins il y aura d’appareils produits, plus la participation au développement futur sera élevée. Néanmoins, l’adaptation d’un Gripen coûte nettement moins cher que pour un Rafale ou un Eurofighter. Car c’est un tout autre avion. Cela est notamment dû au fait que nous n’avons, par exemple, à modifier qu’un réacteur au lieu deux. Le fabricant nous a donné accès aux informations sur la maintenance et les améliorations durant ces dix dernières années pour ses modèles. Nous avons pu calculer que ces coûts sont la moitié de ceux des concurrents.
Selon les spécialistes aéronautiques, Saab doit vendre au moins 400 appareils pour ne pas perdre d’argent. Est-ce que nous ne prenons pas un risque industriel, l’éventualité que Saab soit contraint d’arrêter la production ou de réduire les programmes de développement?
Aucune entreprise n’est certaine qu’elle pourra continuer à investir dans les vingt ou trente ans. Mais il faut voir que pour la Suède le groupe Saab, qui ne produit pas que des avions, est d’une importance capitale. Tant pour les milliers d’emplois que pour sa maîtrise de la haute technologie. Aussi longtemps que la Suède existera, Saab existera et produira des Gripen. Je ne crois pas que le risque industriel soit plus grand que pour un autre producteur. La Suède achètera le même avion et a donc le même intérêt que nous à ce qu’il soit maintenu à un très haut niveau de performance.
Les concurrents de Saab, Dassault pour le Rafale et EADS pour Eurofighter, reviennent à charge avec de nouvelles offres. Allez-vous les prendre en compte?
Ce n’est pas vraiment une offre. Nous avons reçu une lettre de trois pages de Dassault avec un petit tableau résumant des propositions. Nous allons l’étudier. Pour Eurofighter, nous avons déjà répondu.
Mais nous avions déjà dit aux constructeurs que nous n’entrerions plus en considération pour de nouvelles offres de leur part. Nous pourrions discuter uniquement si un Etat nous faisait une nouvelle proposition, notamment dans le cadre d’une contre-affaire ou d’une négociation diplomatique. S’agissant de l’Eurofighter, l’offre vient effectivement de l’Allemagne, pour des avions déjà en service dans la Luftwaffe. Cela ne correspond pas à notre cahier des charges.
Pour Rafale, je ne cache pas mon irritation d’avoir découvert une nouvelle offre par la presse. C’est comme si l’on cherchait à faire pression par le biais des médias. On ne traite pas ainsi un partenaire avec lequel on envisage de collaborer pour une trentaine d’années.
Quand viendra le programme d’armement et pourra-t-il y avoir un référendum sur l’acquisition de l’avion ?
Le Conseil fédéral devrait examiner le programme d’armement et la loi créant un fonds spécial Gripen à fin octobre, début novembre. L’objectif est de transmettre le message au Parlement avant la session de décembre afin d’en débattre au Conseil national en mars. Il y aura deux arrêtés distincts, soit le programme d’armement avec l’achat des nouveaux appareils et une loi créant le fonds spécial. Comme toute loi, cette dernière sera soumise au référendum facultatif. Pour le programme d’armement, celui-ci est de la compétence du Parlement. Mais si le peuple devait refuser la loi sur le fonds spécial, évidemment le processus d’acquisition s’arrêterait.
La création d’un fonds ne devrait donc pas avoir d’influence sur les plans financiers et devrait éviter d’avoir à couper dans d’autres secteurs de dépenses...
Le fonds sera alimenté par un prélèvement annuel de 300 millions, en principe, sur le budget de la Défense, durant environ dix ans. Il n’y aura pas de possibilité de compensation, de sorte que si les besoins devaient à un moment dépasser le montant du fonds, nous devrions négocier avec la Suède un étalement du paiement. C’est assez déplaisant pour un pays riche comme la Suisse de devoir acheter un avion par acomptes. Durant la présente législature, jusqu’en 2015, il n’y aura pas besoin de nouvelles mesures d’économie. Si le budget de la Défense est limité à 4,7 milliards comme le propose le Conseil fédéral, il n’y aura pas besoin de programme d’économie ni à court ni à long terme. Si c’est 5 milliards comme le veut le parlement, alors il y aura des conséquences sur la planification financière après 2015. Mais, avec un budget de 4,7 milliards, c’est l’équipement de l’armée qui souffrira. Il faudra opérer des réductions massives dans le renouvellement du matériel et des infrastructures.